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Napoline comprit ce murmure outrageant
« Ce soupçon, pensa-t-elle, est un propos d’avare,
Une ironie encor de mon destin bizarre ;
Mais, avant de mourir, je veux faire un heureux.
Qui n’a plus d’avenir doit être généreux…
Ma bourse est pleine d’or ;
                                        Prenez, je vous la donne.
Je comprends votre erreur, et je vous la pardonne. »

Dans la chambre d’Alfred, tremblante, on l’introduit.
Elle rougit de honte, et son courage fuit.

Le trouble, la douleur, une longue contrainte,
Égarent sa raison. — Sa passion éteinte
Se ranime à l’aspect de ces objets chéris
Qu’Alfred voit tous les jours. Ses lives favoris,
Ses armes, souvenirs de ses nombreux voyages,
Des plus nobles dangers séduisants témoignages :
Ces flèches, ces poignards, ces vases précieux,
Ces rosaires bénits apportés des Saints Lieux,
Tout le faisait aimer dans ce modeste asile.
Là, rien ne trahissait un cœur vain et futile.

Sur la console un buste attirait le regard :
Napoline bénit ce bienfaisant hasard ;
De l’Empereur c’était une image fidèle.
L’artiste avait saisi l’orgueil de son modèle.

Napoline, soudain, émue à cet aspect,
Se prosterne à genoux avec un saint respect ;
Et, comme on prie un Dieu, Dieu puissant, Dieu sévère,
À son heure suprème… elle, pria son père !

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