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« Il a dû recevoir ma lettre ce matin…
Point de réponse !… Un mot eût changé mon destin.
Hélas ! pour s’excuser qu’aurait-il pu me dire ?
Ce soir elle l’attend… il cède à son empire.
Il est tout au bonheur d’un premier rendez-vous !
Oh ! que j’aime à troubler ce souvenir si doux !
Oui… puisque le bonheur ne m’offre plus de chance,
Que l’horreur de ma mort, du moins, soit ma vengeance !
S’il me voyait mourir lentement dans les pleurs,
Il s’accoutumerait à mes longues douleurs.
Les médecins diraient :
                                    Morte de la poitrine,
Comme sa mère !
                            Et lui  : Faible, d’humeur chagrine,
Elle ne pouvait pas être heureuse ici-bas !

« Et, tranquille, il lirait le JOURNAL DES DÉBATS ;
Ou bien il s’en irait, de peur d’être malade,
Faire au bois de Boulogne un tour de promenade.
Au spectacle, il serait deux jours sans se montrer ;
Ou bien, pour se distraire, il irait s’enivrer !…
Mais, s’il me trouve un soir morte dans sa demeure,
Il faudra bien alors qu’il m’aime et qu’il me pleure !…
Sur sa couche funèbre il me verra toujours ;
Je placerai ma tombe entre tous ses amours ;
Le cœur, d’un vain regret, d’un remords se dégage :
Mais les yeux ne sauraient se sauver d’une image,
D’une image de mort qui sans cesse poursuit.
Elle combat le jour, et triomphe la nuit ;
Elle est là, toujours là… Je connais sa faiblesse ;
Il m’oublie aujourd’hui, sans crainte il me délaisse ;
Mais quand, soudain, ma mort l’aura glacé d’effroi,
Il ne m’oubliera pas… il sera tout à moi !…