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Napoline apercut Napoline apercutAlfred en face d’elle ;
Il tenait par la main la fière demoiselle
Gobinard — l’héritière au regard engageant.
En elle, on croyait voir danser un sac d’argent.
Sur sa tête elle avait placé beaucoup de choses :
Des nattes, des bijoux, des épis et des roses.
Alfred, avec candeur, admirait tout cela.
Napoline la vit… et d’effroi recula.
Mais il ne faut jamais rire dans une fête ;
L’ennui seul est permis, c’est un plaisir honnête.
Napoline étouffait sa gaîté, — cependant
Elle se demandait quel étrange accident,
Quel devoir imposé, quelle aventure affreuse,
Faisait à son Alfred subir cette danseuse.
Eh ! comment deviner qu’il a sollicité
Cet honneur qu’à sa place un autre eût évité !
Comment croire jamais qu’Alfred l’avait choisie,
Et qu’elle méritait toute sa jalousie !

Alfred vit Napoline, et rougit aussitôt ;
Mais près d’elle il passa, sans lui dire un seul mot :

« De cette grosse femme il est honteux, sans doute,
Pensa-t-elle ; il me fuit, sa gaîté me redoute.
Il craint de ne pouvoir garder son sérieux
En me voyant sourire, en rencontrant mes yeux. »

Salut. — Voici venir l’instant des révérences ;
Les devoirs accomplis, viennent les préférences.
On danse par égard, et l’on cause par goût. —
Mais il faut accomplir le devoir jusqu’au bout.,
Reconduire à sa place une danseuse émue,
Et Napoline attend ; — Alfred l’a reconnue :