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POÉSIES

« Nous revenons bien tard ; vous étiez inquiète.
» Oh ! ne vous fâchez pas avant de m’écouter ;
» Je n’ai pas tort, ma sœur ; je vais tout vous conter.
» L’air était moins brûlant, et les cieux étaient calmes
» Toutes deux nous marchions vers la cité des Palmes ;
» Au-devant de Jésus la foule se portait.
» Tandis qu’au pied du mont Nohamel s’arrêtait,
» D’avance préparant l’aumône accoutumée,
» J’allai vers ce vieillard, ce pauvre Bartimée,
» Qu’on voit toujours assis à l’angle du chemin,
» Et qui ferme les yeux en étendant la main ;
» Il était prosterné devant le Fils de l’Homme,
» Le Sauveur !… c’est ainsi que le peuple le nomme ;
» L’aveugle mendiant s’écriait plein de foi :
« Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi !
» D’un seul mot vous pouvez me rendre la lumière ! »
» Au même instant, touché de cette humble prière,
» Jésus lui dit : « Voyez… » — L’aveugle ouvrit les yeux
» Et son premier regard se porta vers les cieux.
» Il bénit le Seigneur dans sa reconnaissance ;
» Or chacun de Jésus admirait la puissance,
» Et les femmes pleuraient… et le peuple, à genoux,
» Disait : « Un grand prophète est venu parmi nous ! »
» Mais lui, sans s’étonner, contemplait ce spectacle.
» Ce qu’il a fait, ma sœur, on l’appelle un miracle ! »

Par ce récit naïf l’enfant veut s’excuser.
Magdeleine, sa voix ne peut donc t’apaiser ?
Cruelle ! cette enfant qu’à bannir tu t’empresses,
En un jour de bonheur recevrait tes caresses !
À son esprit distrait Sépliora parle en vain ;
Magdeleine, insensible au miracle divin,
Fait emmener sa sœur, hélas ! sans l’adieu tendre
Qu’avant de la quitter l’enfant semblait attendre.