Car, malgré son esprit il n’excellait en rien
Dans ce nouveau métier, qui n’était pas le sien.
Qu’elle devait souffrir de cette découverte !
Elle était de ces gens qu’un malheur déconcerte,
De ces étres parfaits et toujours méconnus,
Vieillis par la raison, mais restés ingénus ;
Vivant de sentiments que le monde refoule,
Qui peuvent traverser — mais non suivre la foule ;
Aigles qui ne sauraient modérer leur essor,
Riches qui ne sauraient diviser leur trésor :
Tout ou rien, c’est le cri de leur ame infinie ;
Ils ne peuvent marcher qu’au pas de leur génie,
Rougiraient d’éprouver un demi-sentiment ;
Un amour, c’est ponr eux un entier dévoûment :
Ils ne peuvent singer la piété de autres ;
Ils vivent sans croyance ; — ou bien se font apôtres ;
Ils ne comprennent pas qu’on se donne à moitié
À la religion, à l’amour, l’amitié ;
Que l’on prie à midi le ciel, et que l’on aille
Après — se promener à Saint-Cloud, à Versaille ;
Qu’on aime un peu sa femme, et sa maîtresse un peu,
Un peu sa sœur, un peu son frère et son neveu ;
Que chaque dévoûment, chaque amour ait son heure.
Ils comprennent qu’on aime une fois — et qu’on meure ;
Ils comprennent qu’à Dieu l’on consacre ses jours,
Mais il faut que ce soit sans partage — et toujours.
Telle fut Napoline, et sa fin le dénote ;
Elle eût été martyre — et ne fut point dévote.
On dit : Qui peut le plus peut le moins ; folle erreur !
Proverbe suranné qui me met en fureur !
LABLACHE ne saurait chanter une romance ;
TAGLIONI se perdrait dans une contredanse ;
Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/118
Cette page n’a pas encore été corrigée