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Il faut rendre justice aux jeunes gens du jour :
Eux aussi, j’en conviens, ne font rien par amour.
Si l’on vient vous parler de quelque sot jeune homme
Qui consente à l’hymen sans une forte somme,
Dites, sans demander son nom  : « C’est un Anglais ! »
Si vous avez deux cents louis, — pariez-les.
Les dandys de Paris n’ont point ce ridicule.
Jusqu’au poète, hélas ! tout homme ici calcule.
L’ingrat, il a quitté son grabat favori ;
Du brillant char du Jour il fait un tilbury,
Et, jetant un harnois sur l’aile de Pégase,
Court au bois de Boulogne promener son extase !

Jadis on aimait l’or, aujourd’hui c’est l’argent.
Pour les vrais Harpagons cela rend indulgent.
Oui, la cupidité fait aimer l’avarice :
C’est une passion, du moins si c’est un vice.
Oui, l’avare me plaît, j’aime sa pauvreté,
Et ses privations pleines de volupté.
L’avare en ses désirs peut posséder le monde,
Des palais sur la terre et des vaisseaux sur l’onde.
L’avare et le poète ont des liens entre eux ;
D’un bien imaginaire ils savent être heureux,
Ils aiment à souffrir — armés d’une espérance
Mais l’avare est modeste, et c’est la différence ;
Il ne s’entoure point de vains admirateurs :
L’avare a des trésors — et n’a point de flatteurs.
il jouit en secret d’un orgueil solitaire ;
Sa pauvreté prudente est un culte, un mystère…
Mais il n’est même plus d’avares dans Paris :
Sans être corrigés, nous sommes mal guéris.
Tel vient de s’enrichir par une basse intrigue,