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Et la toute-puissance est un fort bon prestige.
Mais qu’on adore un roi cons-ti-tu-ti-on-nel !
Mais, pour un tiers de trône, un amour éternel !
D’amour !… aimer le roi, la pairie et la chambre,
Quatre cents députés convoqués en novembre
Pour régner !… et vouer un amour de roman
À ce trio royal qui fait cent lois par an !…
Non, les temps sont changés, messieurs ; un roi de France
N’est plus qu’un contre-poids jeté dans la balance,
Pour empêcher le peuple un jour de l’emporter.
Il faut le soutenir, il faut le respecter ;
Mais l’adorer, pourquoi ?… Les tendresses de prince
Lui font cent ennemis, et sont d’un profit mince.
Croyez-moi, ce grand mot, sentimentalité,
S’harmonise très mal avec la royauté.
Un prince qu’on discute, et qu’un seul journal prône,
Qu’une combinaison a placé sur le trône,
Entouré de ses preux qu’on retrouve toujours,
Qui sont de tous les camps et de toutes les cours,
Ne peut se croire aimé comme un autre Henri quatre,
Qui voyait ses flatteurs à ses côtés combattre.
Eh ! bon Dieu, que de rois adorés — et trahis !
Aimons tout bonnement, messieurs, notre pays.
J’aime la France, moi, comme on aime sa belle,
Avec tous ses défauts, vaine, folle, infidèle,
Changeant de Dieu, de roi, comme on change d’amour.
Je la suis à travers ses caprices d’un jour,
Et je subis son roi, comme un amant supporte
Un mari — pour ne pas être mis à la porte.

Un prince peut encore avoir des partisans,
Comme un système, soit, — mais plus de courtisans.
On est las de souffrir pour que le trône brille,
Et de verser du sang pour des soins de famille.