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MAGDELEINE, CHANT II

Neuf fois déjà, tombés sous les vents orageux,
Les doux fruits du palmier servirent à ses jeux.
Tel, entouré de fleurs où le poison se cache,
Sort des marais fangeux un lis pur et sans tache :
Telle, et n’ayant aussi que Dieu pour protecteur,
Au sein des vils plaisirs d’un monde corrupteur
On voyait Séphora grandir dans l’innocence.
Magdeleine n’a point remarqué son absence ;
L’enfant l’avait quittée au repas du matin.
Ce n’est pas elle, hélas ! qu’à l’horizon lointain
Ses regards inquiets ont si longtemps cherchée.
Mais en vain sur le mont sa vue est attachée ;
En vain du noir coursier sur les cailloux brûlants
Magdeleine épiait les pas étincelants ;
La voix des chameliers qu’on entendait encore,
Et que la paix du soir rendait triste et sonore…
L’insecte lumineux bourdonnant sur les eaux…
Les reptiles impurs criant dans les roseaux…
Les brises de la nuit qui soulevaient ses voiles…
Et le parfum des fleurs… et l’éclat des étoiles…
Et ces lampes d’airain qu’un esclave allumait…
Et le Temple désert qu’avec bruit on fermait,
Tout défendait l’espoir à son âme oppressée,
Tout lui disait enfin que l’heure était passée !…

Cependant, vers le seuil qu’ombragent mille fleurs,
Sur le marbre d’Égypte aux luisantes couleurs,
Des pas ont retenti. — Soudain la porte s’ouvre !
Elle entend frissonner le rideau qui la couvre…
C’est Joseph !… hélas ! non. — À ses yeux étonnés
Séphora paraît seule.

Séphora paraît seule. « Oh, ma sœur ! pardonnez ! »
Dit l’enfant, qu’agitait une frayeur secrète ;