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N’admire pas qui veut : la lyre parle à l’âme,
Et cherche un foyer prêt à recevoir la flamme.
Le poète des sots est rarement compris ;
Il s’honore parfois de leurs pédants mépris.
Puis il est des cerveaux que déroute la rime,
Qui ne comprennent pas ce qu’un beau vers exprime,
Si vous n’y savez pas glisser de temps en temps
Quelques mots de zéphyrs, de roses, de printemps.
Les vers ne sont pour eux qu’un ramage sonore,
Qu’un vieux cadre où l’on place à son gré Mars ou Flore,
Adonis ou Vulcain, Pomone et cætera…
Pour eux, la poésie est toute à l’Opéra.

Monsieur de Beaucastel, avec bien plus d’adresse,
De son esprit étroit cachait la sécheresse,
Et si l’on parlait vers, pour sortir d’embarras,
Il exaltait Racine… et ne le sentait pas ;
II était connaisseur en musique, en peinture ;
En voyage, il rendait justice à la nature ;
Mais tout ce qu’on appelle amour, grands sentiments,
Il le considérait comme fable à romans.
En fait de grand courage et d’action sublime,
Il ne croyait à rien, pas même au noble crime ;
Il avait le secret de traduire en calcul
Le plus pur sacrifice, et de le rendre nul ;
Enfin, comme Mentor près d’une jeune fille,
Rien ne convenait moins qu’un tel chef de famille.
Un franc carabinier, un hussard… amoureux
Eût, selon moi, près d’elle, été moins dangereux.
L’amour nous laisse encor du moins une croyance…
Mais de nos vanités la fatale science,
Mais ce rire infernal, ce rire sans gaîté,
Qui flétrit notre espoir dans sa naïveté,
Qui nous montre partout des ruses d’égoïsme,