Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il osait être aimable et vivre de son cœur.
Chaque soir, en récits sa mémoire féconde
Nous faisait voyager sur la terre et sur l’onde,
Des glaces de l’Islande aux déserts d’Orient.
C’étaient d’affreux dangers… racontés en riant ;
C’étaient de longs tableaux des pompes de l’Asie,
Des chameaux, des palmiers si pleins de poésie,
Des trombes, des volcans, des sièges, des combats,
Et, ce qui me plaît tant, des bons mots de soldats :
C’était enfin la force unie à la finesse,
Et tant de souvenirs avec tant de jeunesse !

Alors je l’écoutais avec ravissement ;
J’aimais la dignité de son regard charmant ;
J’aimais dans son maintien cette noblesse innée,
Des hommes du commun rarement pardonnée.
Souvent j’avais besoin de me dire tout bas
Qu’elle était mon amie, et qu’il ne m’aimait pas !
Mais, grâce au ciel, un vœu tant soit peu malhonnête
N’a jamais pu rester plus d’une heure en ma tête.
Aussi, sachant éteindre un parjure désir,
Je les voyais tous deux s’aimer avec plaisir.

Hélas ! ce court bonheur ne fut pas sans orage ;
Car les illusions ne sont plus du jeune âge,
Depuis que nos parents, par de prudents discours,
Pour sauver l’avenir déflorent nos beau jours.
Les précoces leçons de leur expérience,
Sans éclairer le cœur, troublent la confiance :
Même au sein des plaisirs on attend le chagrin.
C’est un mauvais service à rendre au pèlerin
Que l’avertir toujours des dangers du passage.