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Un pli profond barrait son front, et son intonation était brève et mécontente.

La jeune fille s’assit à la place désignée, c’est-à-dire à gauche de son grand-père… Mais une voix ténue, plaintive, s’éleva aussitôt.

— Pas là…, ici, disait Mme de Regbrenz en désignant un siège près d’elle.

Et elle fit un signe timide à Alix, qui se leva aussitôt.

Pas du tout, c’est votre place ici, dit impérieusement Georgina en arrêtant sa nièce. Maman ne sait ce qu’elle dit… Mettez-vous près de votre grand-mère, Gaétan.

— Ici… à côté…, répéta la vieille dame du même ton plaintif.

Sa main se posa machinalement sur la tête de Gaétan… Au contact de cette chevelure souple et soyeuse, Mme de Regbrenz tressaillit et, en regardant l’enfant, elle murmura d’un accent incertain :

— Gaé… tane…

Georgina recula bruyamment sa chaise pour s’asseoir et le comte appela Mathurine avec impatience. Le repas commença dans le silence, mais, un peu après, la conversation s’engagea entre Mme Orzal et miss Elson. Georgina possédait une instruction brillante et avait fait, pendant ses deux ans de mariage, de fréquents voyages dans les principales capitales de l’Europe. Elle savait, en outre, causer avec aisance et agrément, et miss Elson fut frappée de son intelligence extrême, de son charme indéniable, que les premières atteintes de l’âge n’avaient pu faire disparaître. Une coquetterie savante présidait à sa toilette, et sa belle chevelure se relevait en ondes élégantes au-dessus de son front très blanc. Mais il ne fallait pas un œil bien exercé pour découvrir que la robe de voile écru était passablement fanée et de mode peu récente, malgré les