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— S’il en est ainsi, Alix, vous pouvez y conduire vos frères. Je vous rejoindrai aussitôt que possible.

— Passez par ici, mademoiselle et messieurs, dit Mathurine en les précédant.

Elle traversa un corridor et, au bout d’un couloir transversal, ouvrit une petite porte donnant sur la cour. Alix et ses frères sortirent, et la servante fit quelques pas derrière eux.

— Voilà le salon où vous êtes entrés hier, dit-elle en désignant le rez-de-chaussée de la tour de Saint-Conan.

Par une petite porte vitrée, on distinguait en effet la pièce qui semblait déserte à cette heure.

— … Il y a, à côté, la chambre de Monsieur, puis une plus petite qui est celle de Madame. Mme Orzal habite au premier.

— Et ici ? demanda Alix en désignant le principal corps de logis et l’aile gauche.

— Ici, tout tombe en ruine et est désormais inhabitable. Il y avait là… (et son doigt désignait le perron de la cour d’honneur) des salles superbes, où les comtes de Regbrenz, il y a deux siècles, donnaient des fêtes dont parlait toute la Bretagne… Et puis le manoir a été saccagé pendant la grande Révolution, ses propriétaires n’y sont jamais revenus jusqu’au jour où le comte Hervé, votre grand-père, s’est trouvé obligé d’y établir sa demeure. L’aile droite seuie avait été à peu près épargnée, et ce fut là qu’ils se logèrent tous, eux, si accoutumés au luxe et aux fêtes !

Elle secoua mélancoliquement la tête en jetant un regard attristé vers les bâtiments chancelants de l’aile gauche.

— Dans peu de temps, ce côté-là s’en ira complètement, et déjà la tour de la comtesse Anne est tout à fait dangereuse.

Elle montrait la grosse tour, de mine toujours