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comme Rémi Belleau en i556. Ronsard qui trouvait son ami "trop sec biberon pour un tourneur d’Anacréon", se mit de la partie, et Baïf, Olivier de Magny, Jean Doublet, le vieux Melin de Sainct-Gelays entrèrent successivement dans la lice. Ce fut un gentil tournoi poétique : le Vendômois, sous les regards des Muses, y remporta le prix de son art, ce qui ne veut pas dire que ses rivaux en soient sortis sans honneur. Cette langue du XVI° siècle qui n’était pas encore "une demoiselle tout d’une venue, serrée dans son corset, parlant toujours du même ton, mais qui tantôt riait, tantôt pleurait sur tous ses petits chagrins, disant tout ce qui lui passait par la tête", était d’ailleurs admirablement propre à traduire l'enjouement, les gentillesses de ces chansons, à reproduire le charme, et, comme le dit M. J. Lemaitre, « la grâce inexprimable » de ces odelettes. Elle prenait pourtant avec le texte de grandes libertés, chantait, au lieu du siège de Thèbes, la prise de Thionville, remplaçait le nom de Bathylle par celui de Cassandre, transformait la sandale grecque en l'élégant patin des dames parisiennes, nous montrait familièrement l’Amour enfant avec sa chemise mouillée, trempé jusqu’aux os, et c’était un charme de plus, un je ne sais quoi qui donnait à ces odelettes un piquant à-propos, et comme une autre fleur de jeunesse. Depuis le XVI° siècle, elles ont eu des traducteurs plus exacts; mais sauf La Fontaine, dont l'Amour mouillé peut rivaliser avec celui de Ronsard