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empreintes: parmi les esprits qu’elle avait profondément pénétrés se trouvait ce Martin Knutzen qui fut à l’Université le maître préféré de Kant[1]. Ainsi que Schultz, Knutzen se proposait l’accord de la doctrine de Wolff et du piétisme ; seulement, tandis que Schultz était surtout un théologien qui inclinait vers la philosophie, Knutzen était surtout un philosophe qui inclinait vers les problèmes religieux. D’une curiosité plus libre et d’un tempérament moins porté à l’action, il considérait également le christianisme et les vérités morales qui en découlent comme pleinement compatibles avec les conclusions de la recherche spéculative. Sa dissertation de aeternitate mundi impossibili (1733), évidemment inspirée par Schultz, exprimait surtout les réserves du chrétien en un sujet sur lequel Wolff avait inquiété les consciences ; mais elle usait plus de l’argumentation philosophique que de l’argumentation théologique. Dans sa Commentatio philosophica de commercio mentis et corporis per influxam physicum explicando (1735), il abordait l’examen de cette idée leibnizienne de l’harmonie préétablie qui, mal interprétée et faiblement défendue par Wolff, avait été pourtant retournée contre lui par ses adversaires piétistes comme inconciliable avec cet enseignement de la foi par la prédication et l’audition dont parle saint Paul. Malgré l’interdit qui pesait encore sur Wolff et sa doctrine, malgré la puissance des raisons qui lui faisaient dans ce travail même préférer l’idée de l’influx physique à celle de l’harmonie préétablie, Knutzen ne s’en donnait pas moins pour un disciple de Wolff. Mais c’était en toute indépendance d’esprit qu’il s’attachait à la philosophie wolffienne ; l’étude très étendue qu’il avait faite des diverses sciences, la connaissance approfondie qu’il avait notamment de la physique newtonienne le poussaient à plus d’une dissidence, et la deuxième édition de sa Commentatio de commercio mentis et corporis parue en 1745

  1. 1. Benno Erdmann, op. cit., p. 1-10, p. 48-129.