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formes appropriées aux multiples fonctions qu’il occupait. Si sa grande autorité n’était pas sans causer quelque ombrage, et même sans paraître oppressive à quelques-uns, elle ne rencontra pas cependant d opposition sérieuse jusque vers 1740. L’avènement de Frédéric le Grand, adversaire très décidé les piétistes, parut fournir aux orthodoxes l’occasion longtemps attendue d’une revanche ; un prédicateur en renom, Quandt, se mit à leur tête pour demander l’expulsion de Schultz et de ses partisans ; la sottise des griefs articulés dut contribuer à l’échec de la requête. Pourtant aux élections pour le rectorat qui suivirent, Quandt fut préféré à Schultz. Ce qui fut beaucoup plus grave que cet amoindrissement d’abord peu sensible d’influence, ce fut la lutte que Schultz eut à soutenir contre Fischer. Autorisé après bien des vicissitudes à rentrer à Kœnisberg moyennant promesse de soumission à la vérité chrétienne, Fischer n’avait pu s’empêcher, au moment qui lui avait paru propice, de rompre le pacte par la publication d’un ouvrage, où sous prétexte de développer le wolffianisme, il combattait ou dénaturait des dogmes tels que celui de chute, celui de la divinité du Christ, où il énonçait des thèses très proches du spinozisme. Schultz dut provoquer les poursuites qui aboutirent à la condamnation et à l’interdiction du livre. Ce faisant, il restait fidèle à sa manière de concevoir les rapports du rationalisme wolffien et de la religion : mais sa victoire attestait plus la survivance de son crédit moral que la solidité durable de son œuvre intellectuelle. Le rationalisme philosophique se manifestait auprès de lui non plus comme un allié, ni comme un voisin indifférent, mais comme un ennemi de la foi. Visiblement, il allait être engagé dans l’inflexible déduction de ses conséquences par un mouvement d’opinion plus fort que les censures officielles de quelques théologiens. La rentrée en scène de Fischer était bien le signe de temps nouveaux.

Toutefois, la pensée de Schultz avait marqué de fortes