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peut être le meilleur auxiliaire de la foi, car elle dispose l’homme à admettre ce que la révélation lui enseigne. En outre elle fournit à la théologie, considérée comme science de la religion, l’instrument dont elle doit se servir ; la théologie en effet doit être traitée scientifiquement, c’est-à-dire selon une méthode mathématique ou strictement logique, et Schultz, dans sa Dogmatique, se pliait entièrement à ces exigences de rigueur formelle. Ainsi, outre que la raison est capable de constituer une théologie naturelle, là même où par ses seuls moyens elle ne peut découvrir la vérité, dans les matières de la théologie révélée, elle définit souverainement les règles de l’exposition et de l’explication ; de plus, elle garde le droit d’interdire tout recours au surnaturel, là où les ressources de la nature suffisent. De la sorte, Schultz empêchait le piétisme de céder aux tendances mystiques qui le travaillaient ; il employait également son sens de la vie pratique et son goût des pensées rationnelles à extirper ces semences de dérèglement que Lysius avait trop ménagées ; il était, au témoignage de Borowski, l’ennemi déclaré de l’exaltation visionnaire et fanatique, de la Schwärmerei[1]. Il prétendait faire de la théologie une source de motifs pour la détermination de la volonté plutôt qu’un prétexte à la contemplation. S’il voyait dans la religion le principe suprême de la moralité, il affirmait avec insistance que la moralité est le seul signe certain de la vraie foi. Le Christ est venu nous délivrer du joug des lois extérieures pour ne nous enchaîner qu’à une loi tout intérieure, la loi morale, dont chaque commandement vaut par sa bonté intrinsèque[2]. Cette loi est d’ailleurs en elle-même pleinement conforme à la raison : si bien que, même venue de Dieu, elle n’agit pas sur nous par une contrainte extérieure.

Tel était l’esprit que Schultz faisait prévaloir sous des

  1. Dans Benno Erdmann, op. cit., p. 47
  2. Dans Hollmann, loc. cit., p. 71.