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forêts. Elle ne tarda pas à apparaître aux autres établissements comme une concurrence dangereuse : maintes fois dénoncée comme école clandestine, elle n’eût pu sans doute se soutenir par la seule supériorité de ses méthodes et de son enseignement, si une heureuse circonstance, le voyage de Frédéric III à Kœnigsberg pour son couronnement, n’avait eu pour résultat de la faire reconnaître. Il lui fallait un directeur. Gehr alla à Berlin et à Halle pour se concerter là-dessus avec les chefs du piétisme. Il découvrit, grâce à Spener, l’homme qui convenait merveilleusement. J. H. Lysius n’avait pas seulement les vertus administratives et pédagogiques qui devaient assurer le progrès de l’institution naissante : il avait encore les qualités d’intelligence et l’étendue du savoir qui ne pouvaient qu’ajouter considérablement au prestige de sa fonction. Avant de prendre possession de son poste de directeur, il s’était familiarisé sur place avec le régime scolaire que Francke avait établi à Halle, et c’est dans le même sens que lui-même exerça son activité réformatrice. La nouvelle école, bientôt érigée en gymnase, faisait de l'instruction religieuse, approfondie et perfectionnée, l’essentiel de l’enseignement ; en même temps elle était la première, parmi les écoles de Kœnigsberg, à admettre des matières d’études telles que l’histoire, la géographie et les mathématiques. De plus en plus fréquentée, elle projetait puissamment, bien au delà du cercle des élèves, l'esprit qu’elle avait été destinée à répandre. Le zèle religieux de Lysius, son amour de la vérité, sa tolérance faisaient rayonner le piétisme sur toute la ville. L’opposition de l’orthodoxie luthérienne, comme celle de la scolastique étaient de plus en plus réduites.

Une autre opposition toutefois s’annonçait, et plus redoutable, sinon pour le présent, du moins pour l’avenir. La philosophie de Wolff était apparue à Kœnigsberg. Ceux qui les premiers la représentèrent, J.-H.. Kreuschner, G.-H. Rast, C.-G. Marquardt, Chr.-Fr. Baumgarten, N.-E. Fromm, ne prirent certes pas à l’égard du piétisme une