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Les lents et pénibles efforts de rénovation spirituelle, les luttes contre l’influence tyrannique de l’orthodoxie luthérienne et de la scolastique, l’action conquérante du piétisme et du rationalisme, bientôt aux prises à leur tour, tout ce qui en somme occupait les pensées et remuait les consciences du reste de l’Allemagne se reproduit en des formes presque identiques dans la Aille et au sein de l’Université de Kœnigsberg[1]. Au commencement du XVIIIe siècle, la philosophie y était sous l’entière domination de l’aristotelisme, d’un aristotelisme dont la médiocre vigueur interne était encore énervée par des compromis éclectiques. Quelques idées de Descartes et de Thomasius n’avaient obtenu qu’une créance passagère : professeurs de logique, de métaphysique et de philosophie pratique restaient pour le fond également fidèles à la tradition. Ce fut le piétisme qui le premier vint secouer l’inertie des esprits. Il fut introduit à Kœnigsberg par le conservateur des forêts Th. Gehr. C’était spontanément, à la suite d’un retour sur lui-même, que Th. Gehr, le 21 septembre 1691, jour de la Saint-Mathieu, avait éprouvé l’impérieux besoin de rompre avec le christianisme des théologiens pour s’attacher à un christianisme plus pur et plus vivant, à un christianisme du cœur. Dès lors il s’était reconnu piétiste. En 1693, il entrait en relations personnelles avec Spener, en 1694 avec Francke ; à l’un et à l’autre, peut-être plus particulièrement au second, il dut la pensée qui aboutit finalement à la fondation du collège Frédéric. Il n’appela d’abord des maîtres piétistes que pour ses enfants ; mais peu à peu d’autres faucilles, animées des mêmes sentiments, demandèrent à partager le bénéfice de cette éducation, et ainsi une petite école privée se trouvait instituée en 1698 dans la maison du conservateur des

  1. Benno Erdmann, Martin Knutzen und seine Zeit, 1876, p. 11-47. — Georg Hollmann, Prolegomena zur Genesis der Religionsphilosophie kants, Altpreussische Monatsschrift, janvier-mars 1899, p. 1-73.