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eût honte ! Il ne pouvait que des coq-à-l’âne. Il allait la blesser, la faire fuir une fois encore.

Tandis qu’elle reprenait la pose, de profil, une cigarette aux lèvres, sans qu’elle pût s’en apercevoir il la considéra longtemps avec des yeux tristes.

Certes, depuis quelque temps, il avait oublié la tare…

« À quoi bon m’occuper d’elle !… pensa-t-il. Elle est disqualifiée malgré sa poésie, malgré sa culture, malgré son attrait C’est le fruit véreux, le cheval de race atteint de vice rédhibitoire. »

Avec humeur, il empoignait sa glaise. Pendant une demi-heure, il travailla, le visage contracté. Et puis, tout doucement, un espoir se fit jour. Puisqu’elle était venue à lui, pourquoi ne pas persister, essayer de la guérir, de la sauver ?

— Je commencerai par avoir demain une bouteille de porto derrière le poêle. Elle en prendra ce que je lui en donnerai. Ce n’est toujours pas de l’eau-de-vie… Et voilà le commencement de la rééducation.

Son front se plissa durement :

— Oui. Mais, les soirées… les nuits ! Qu’est-ce qu’elle fait de ses nuits ? C’est effrayant ! Je ne me l’étais pas encore demandé.

Hier, elle avait refusé de dîner avec lui.

« Pour aller boire sans témoin, naturellement, comme le premier soir où je l’ai vue… »

Oui, dans ce bar, toute seule à cette table… Pourtant, n’était-elle pas là maintenant, posant pour lui, sans doute amoureuse de lui qui, probablement, allait être amoureux d’elle ?

« Elle a bien su changer, pour me plaire, son aspect physique, elle saura bien changer aussi ses mauvaises habitudes… » espéra-t-il.

— Mrs Backeray ?