Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
rédalga

elle toutes les marques de sa caste distinguée et la plus douce chaleur humaine dans son regard. C’était sans doute une aventurière. Elle était tout de même d’une autre qualité que les petits modèles du sculpteur. Faible et vite persuadé par le féminin, Harlingues voulait bien accepter l’occasion passante.

Oh ! qu’elle ne s’en allât pas si vite ! Qu’elle restât avec lui ce soir, puisqu’il ne savait, aujourd’hui, que faire de sa vie…

— Mrs Backeray !… continua la voix implorante.

Et, subitement, en prononçant ce nom, il se dit qu’elle ne connaissait pas même le sien. Il se mordit les lèvres pour ne pas rire à cette idée. Mais trouvant cela pour la retenir :

You pas savoir my name… Moi vous donner carte.

Elle comprit, et répondit vite :

— Oh ! I know it ! You are Jioude Harlinneguès.

— Ah ! vous le savez ! C’est Rodrigo qui vous a dit ?

— Rodrigo, yes !

— Oui… mais moi je ne sais pas l’orthographe du vôtre.

Il ajouta, réparant un oubli fort important :

— Ni votre adresse !

Sur le mot adresse, elle chercha dans son petit sac, y prit sa carte — simplement son nom — et son geste demandait un crayon pour écrire la suite.

Harlingues finit par en trouver un dans ses boîtes. Pendant qu’elle écrivait, le petit sac lui rappelant quelque chose :

— Cigarette ?… proposa-t-il.

Elle secoua la tête en tendant la carte. Elle était pressée de partir.

« Si j’allais avec elle ? » pensa tout à coup Harlingues.

Aller avec elle ? Quel changement dans leurs étranges rapports ! Il n’y avait pas une semaine qu’il avait failli la battre pour se débarrasser d’elle.