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vait pas rester telle qu’elle était. En quelques coups de pouce il la modifia, revint s’asseoir, cligna des yeux… et retourna modeler.

La cigarette mâchonnée se défaisait dans sa bouche, non allumée encore. Nerveusement, il la jeta.

Recherche de l’équilibre, fonds commun de tous les arts, courageux recommencement du travail jusqu’à l’instant lumineux où tout, la conscience, le sentiment, l’expérience et l’on ne sait quoi encore de plus secret, peuvent s’écrier ensemble : « C’est fini ! Cette fois nous y sommes ! »

Une lueur rouge pénétra dans l’atelier. Huit heures et demie. La cigarette n’était toujours pas fumée, Harlingues se retourna. Mrs Backeray venait d’entrer.

Il était si sûr que Rodrigo l’accompagnait qu’il crut le distinguer derrière elle. Mais il vit tout de suite qu’il se trompait. Elle était seule.

Immobilisée sur le seuil, elle le regardait de loin ; et, pendant un instant, interdit, il fronça les sourcils vers cette apparition silencieuse. Enfin, il s’approcha pour l’accueillir, ce qui n’était pas facile puisqu’ils pouvaient à peine se parler.

Quand il fut près d’elle, il s’aperçut en la saluant qu’elle tendait vers lui quelque chose qui était un petit paquet enveloppé dans un papier de journal fort sale.

« Bon Dieu, qu’est-ce que ça peut être que ça ?… » pensa-t-il.

Sinistre dans ce jour baissant, elle restait là, levant sur lui son regard de fille battue, et continuant à offrir son paquet. Et, de si près, il se rendait compte qu’elle sentait fortement l’alcool.

Pour finir, il dut prendre ce qu’elle lui donnait si ostensiblement et si lamentablement. Il ouvrit, intrigué.