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rédalga

À son tour, il se leva. Comme il ouvrait ses bras, elle s’y jeta. Au mouvement de ses épaules, il s’aperçut qu’elle sanglotait.

Ils passèrent le reste de la journée à chercher dans les papiers de Mrs Backeray. Ne pouvant se taire ni l’un ni l’autre en un si grand jour, ils parlèrent avec flamme alternativement, chacune dans sa langue, et sans entendre un mot de ce que disait l’autre. Mais il ne leur était pas difficile de supposer tous les projets d’avenir qui passaient dans cette éloquence. Les mains de Rédalga tremblaient en tendant les feuilles officielles faisant foi de son divorce, de sa nationalité, de son âge.

Des sursauts de bonheur passaient. Son rire enroué, sans force, soulevait sa gorge. Elle embrassait son amant d’un élan presque puéril, et, tout de suite, se remettait à vider la serviette de cuir où s’entassaient les pièces de son état civil.

En entrant ce soir-là dans sa chambre, Harlingues la serra longuement, respectueusement sur son cœur.

— Ma femme, murmura-t-il.

Plus bas encore, elle répondit :

My husband

Le déjeuner d’Alvaro n’était fixé qu’à une heure. Mais désirant aller à ses affaires avant de retrouver son ami, Jude partit dès le matin. Rédalga s’était levée, malgré toutes protestations, pour le conduire jusqu’à la grille.

Sur le perron, Léontine souriait.

— Soignez bien madame ! Je serai rentré pour le diner.

— Bien, monsieur. Monsieur peut être tranquille !

Des nuages traînaient sur le parc maussade. Il avait plu toute la nuit, et d’autres averses froides se préparaient.

Accrochée au bras de son amant, Rédalga frissonna.