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rédalga

Il avait pris à part son ami.

— Pas de champagne et pas de liqueurs, je t’en prie, Alvaro ! Rien que du vin rouge ordinaire et de l’eau.

Le regard déçu que jeta Rédalga sur l’unique bouteille en se mettant à table donna raison à cette précaution. Donc, elle souffrait encore de son régime !

« Pauvre girl ! » s’apitoyait Harlingues en secret.

Avec sa grâce ordinaire, Alvaro fit tout ce qu’il fallait pour remplacer le champagne par le pétillement de la conversation. Il était clair que sa présence faisait particulièrement briller l’esprit de lady Mary. Leurs propos s’échangeaient, rapides ; et, sans cesse, Alvaro riait.

— Si tu savais ce qu’elle peut être drôle, cher !

— C’est curieux… Pourtant elle ne rit jamais, elle.

C’est l’essence même de l’humour britannique de rester flegmatique, tu sais ! Ses reparties sont intraduisibles. Sans quoi je t’en ferais part, comme tu penses.

Un peu plus tard, les deux interlocuteurs parurent devenir graves. La voix avait changé de ton. Le regard variable de Rédalga changeait.

Ayant hoché largement la tête, le Portugais, enfin, se tourna vers Jude.

— Elle est touchante… dit-il. Elle te remercie de la guérir de son mal.

Les yeux de Jude étincelèrent de joie. Il allongea la main pour atteindre celle de sa maîtresse.

— Comme je suis fier, Alvaro !… Demande-lui de ma part si, bientôt, elle ne va pas se remettre à faire des vers.

La question transmise et la réponse faite :

— C’est une bien belle parole, cher. Elle dit que, si elle n’écrit plus, c’est parce qu’elle est trop heureuse.