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rédalga

Lasse de rôder seule dans le jardin, Rédalga, tristement assise à l’écart, le chien allongé près d’elle, tournait, quand elle ne fumait pas, une herbe dans sa main. De temps en temps elle bâillait.

« Si elle pouvait écrire ce poème !… pensait Harlingues. J’aimerais tant la sentir en travail comme moi ! »

— Vous faire des vers !… Make verses !… lui criait-il de loin.

Mais elle, les sourcils bas, le regard perdu :

I cannot (Je ne peux pas !)

« Elle s’ennuie, évidemment. »

Au bout de quelques jours :

— Allez donc promener le chien dans le bois. Go out with dog… Woods !

Elle résista quelque temps à cette idée. Puis un jour, vaincue par l’inaction, elle s’en alla comme il l’y conviait, arpenter sans lui le pavé des gardes et les sentiers étroits.

Elle revint avec des fleurs dans les mains. Le chien haletait après sa belle promenade. Et, de ce jour, l’habitude fut prise.

Levé de très bonne heure, à présent tué de fatigue, Harlingues ne passait plus toute la nuit dans la chambre de son amie. Allait-il aussi la sevrer d’amour ? Cependant il remarquait, sans vouloir le montrer par peur de rompre le sortilège bienfaisant, qu’un changement s’opérait dans la vie de Mary Backeray.

Autour de la fontaine en chantier, ses jeux avec le chien, tant qu’elle restait là, devenaient presque gais. L’allure qu’elle avait en se mettant en route pour la promenade quotidienne se faisait allègre. Il la vit avec surprise, à table, mettre de l’eau dans son vin. Plusieurs fois elle oublia de rentrer pour l’heure du porto. Puis, un soir qu’il frappait à la porte de sa chambre, il la surprit écrivant dans son lit. Des vers ! Elle les récita le lendemain dans ses dents, tout en regardant les