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rédalga

notre parler impossible. Et puis, je ne suis pas tout le temps là. Il faudrait vivre avec elle, ne pas la quitter d’un pas. Comment veux-tu que je fasse ? Je ne peux pas la prendre chez moi. On me donnerait congé le lendemain. La seule chose à faire ce serait de partir avec elle pour la campagne, loin de tout, d’être seul avec elle dans un coin. Je lâcherais bien tout pour elle, va ! Mais quoi ! Je ne suis qu’un pauvre bougre sans le sou… Je…

Alvaro frappa sur la table, les yeux allumés par sa trouvaille inattendue.

— Cher, cher !… écoute ! C’est magnifique, l’idée qui me vient ! Puisque tu fais l’idiot avec moi pour cette fontaine, voilà : tu la tailleras dans le marbre à Bellevue même. Je te prête ma maison. Tu sais bien que je ne l’habiterai pas cette année. Mes gens sont là qui vous serviront pendant tout le temps que vous y resterez. Tu me feras l’honneur et l’amitié d’accepter mon hospitalité complète. Vous ne vous occuperez de rien. Je t’ai dit que ma gardienne faisait bien la cuisine. Tu peux accepter, en échange de ta charmante fontaine. Et je serai encore ton débiteur à n’en plus finir. Et, ça, je peux-te le jurer, tu me rendras encore service en habitant Bellevue. Rien n’est plus mauvais que de laisser les maisons trop longtemps fermées. Depuis août dernier je ne suis pas retourné là-bas. Il y a un garage avec électricité qui pourra te servir d’atelier. Ça y est, dis ?… D’abord, tu ne peux pas refuser, dans l’intérêt même de ton amie.

Ils parlèrent longtemps, discussion animée. Mrs Backeray fumait les belles cigarettes apportées devant elle, et son visage était perdu dans les rêves.

— Puisque c’est enfin accepté, conclut Alvaro, je vais mettre au courant Mme Rédalga.

Harlingues tressaillit à ce nom trouvé par lui sans le vouloir ; mais, du geste, il arrêta le Portugais.

— Non, je t’en prie ! Mrs Back… Rédalga n’est pas