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rédalga

Are you Alvaro ? demanda-t-elle, croyant se souvenir qu’il parlait très bien l’anglais.

Il se mit à rire pour cacher son saisissement. Comme les autres, il avait peine à la reconnaître dans sa métamorphose.

Et, protocolaire, un peu précieux, exactement comme s’il ne l’eût jamais rencontrée encore :

— Jude, présente-moi, veux-tu ?

La nuance ainsi marquée, quand les noms eurent été déclinés par Jude non sans un peu d’étonnement rieur, le Portugais, incliné, baisa la main de Mrs Backeray.

Pendant le court moment qu’il s’attarda dans l’atelier pour admirer le buste impressionnant, il se montra d’une telle courtoisie envers elle qu’on l’eût cru devant une grande-duchesse. Il en fut ainsi tout le reste du temps ; et c’était sans doute pour racheter aux yeux d’Harlingues, pour effacer à jamais de son souvenir les mépris, impertinences et antipathies manifestés si péremptoirement quand celle qu’il croyait maintenant la maîtresse de son ami n’était encore que « l’Anglaise de Rodrigo. », le lamentable pantin d’une soirée de bar.

Le déjeuner qu’il leur offrait n’avait d’ailleurs pas d’autre but. Dans sa voiture louée au mois, il les emmena sur la rive gauche, vers le restaurant bas et doré comme un intérieur de navire où leur couvert était mis en cabinet particulier, et orné d’une corbeille de magnifiques roses rouges destinées à Mrs Backeray.

— Ça va bien avec sa chevelure… dit Harlingues, assez ému d’un tel accueil.

— Je n’ai jamais vu plus beau !… continua l’hôte. C’est une vraie crinière de fauve.

— Tu ne trouves pas qu’on dirait une algue rouge ?

Harlingues, là-dessus, frappa ses deux mains l’une sur l’autre.