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Comme tout le monde

Le voilà donc, le fils du rêve !… De quel rêve, ah ! de quel rêve !

Jamais, dans son humble petite âme, Isabelle n’a senti déferler une telle vague de désespoir. Il lui semble qu’elle va, d’un geste, repousser loin d’elle ce petit garçon dont le père spirituel n’est qu’un misérable, ce petit qui n’est rien, qui ne sera jamais rien, elle le voit maintenant, elle le comprend enfin…

Le petit Louis, ses grands yeux roux dilatés, regarde sa mère égarée, désordonnée parmi ses cheveux défaits, assise dans le lit, la poitrine haletante sous sa camisole blanche. Enfin, il prend le parti de rire :

— T’es mal réveillée, maman ?…

Maman ! À ce mot de son enfant, Isabelle éclate en sanglots. Un violent revirement s’opère en elle. Non, elle ne peut pas abandonner ainsi tout son espoir, toute sa vie. Il faut qu’elle croie encore en cet enfant, il faut que cet enfant la sauve.

Elle s’est cramponnée à deux mains au gamin effrayé, le bouscule sur le lit, le serre contre elle avec véhémence ; et, le berçant comme lorsqu’il venait de naître, elle répète, les épaules secouées, toute ruisselante des larmes qui se précipitent sur sa pauvre figure fanée du matin :

— Ah ! mon petit à moi !… À moi toute seule… À moi toute seule !…