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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

examen. Il est recommandable par son érudition, mais dépourvu de goût et de critique. Son Almageste, qu’on pourrait nommer l’Astronomie monacale, présente au moins cette singularité, qui en rend parfois la lecture moins fastidieuse, c’est que, chargé par ses supérieurs (il était jésuite) de combattre le système de Copernic, il ne tarit pas sur les louanges de l’auteur avec lequel il est obligé de se mesurer ; qu’il le vante avec autant ou plus d’enthousiasme que ne pourrait le faire le copernicien le plus décidé ; qu’il exagère même les avantages de ce système, et que, pour le réfuter, il n’y oppose que les argumens plus insignifians et les explications les plus misérables.

Gassendi, chanoine et prévôt de Digne, professeur royal d’Astronomie, homme d’esprit, homme du monde, sans manquer à aucune des bienséances de son état, laisse voir tout aussi évidemment qu’il est partisan de Copernic. Il ne l’attaque jamais, le défend en toute occasion, et toujours en protestant qu’il souscrit à tout ce que l’Église a décidé, s’il est vrai pourtant que l’Église ait décidé quelque chose ; et remarquons que Riccioli lui-même convient que l’Église n’a rien décidé sur le fond de la question, c’est-à-dire sur le mouvement ou la stabilité de la terre. Gassendi laisse entrevoir un esprit libre de préjugés ; mais jamais il ne s’explique qu’avec la plus grande réserve. Il n’en faut pas davantage pour expliquer ses succès dans le monde. Quand on le lit, on est un peu étonné de la réputation qu’il a laissée. Observateur assez assidu de tous les phénomènes, il n’est cité en Astronomie que pour son observation du passage de Mercure, qu’il vit le premier sur le Soleil, et qu’il vit seul.

Mouton, bien moins généralement connu, nous a fourni un chapitre beaucoup plus intéressant, moins par ses observations des diamètres, ou son projet de mesure universelle, prise dans la nature, que par une méthode toute nouvelle d’interpolation. Il faut avouer qu’elle était restée fort imparfaite entre ses mains ; mais le principe en est simple et fécond, et il nous a été facile d’en tirer une méthode générale qui peut suffire, et bien au-delà, dans tous les besoins de l’Astronomie. Réduite en formules et en tables qui dispensent de recourir à ces formules, elle nous a fourni des moyens aisés pour refaire avec plus de précision toutes les interpolations faites par Briggs et celles qu’il convient n’avoir pu faire. Ramené par ce succès à nous occuper de nouveau du géomètre anglais, nous avons vu disparaître tout-à-coup la difficulté qui avait paru insurmontable ; nous avons retrouvé la voie qui avait conduit Briggs à ces formules curieuses, dont il avait soigneusement caché les démonstra-