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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

publication de son livre. Tycho, soit qu’il partageât réellement les scrupules des théologiens de son temps, soit qu’il ambitionnât la gloire de créer un système, Tycho se donna le mérite facile de concilier et de fondre en une seule les deux hypothèses contraires. Comme Copernic, il fit tourner toutes les planètes autour du Soleil ; il fit, pour Mars, Jupiter et Saturne, ce qu’au temps de Cicéron l’on avait fait pour Mercure et Vénus. Par respect pour les préjugés du temps, il rendit à la Terre son immobilité, et la donna pour centre aux mouvemens du Soleil et de la Lune. Plus d’une fois il promit qu’il démontrerait les absurdités du Système de Copernic, dans un grand ouvrage, dont à sa mort on ne trouva pas une seule page. Son système, sans avoir jamais joui d’aucune estime réelle, fut adopté en apparence par tous ceux qui craignirent de voir mettre leurs livres à l’index, et par tous ceux qui, tenant à quelque université ou à quelque corps religieux, n’avaient pas la liberté de manifester leur véritable opinion.

Les titres réels de Tycho à la reconnaissance des astronomes sont principalement ses observations. Né riche et d’une des premières familles du Danemarck, il consacra à l’Astronomie tout son tems et sa fortune. Il obtint de la cour la possession de l’ile d’Hueen, dans le Sund ; il s’y confina, dépensa cent mille écus de son patrimoine pour y construire un observatoire et le meubler d’instrumens. Tout ce qu’on avait imaginé jusqu’alors en ce genre, Tycho le fit exécuter avec plus de soin et dans de plus grandes dimensions ; il perfectionna la division de ces instrumens et leurs piunules ; il se procura de grandes armilles, avec lesquelles il pouvait suivre le Soleil de l’orient à l’occident. Il fit la première table de réfractions, et s’il ne l’étendit pas au-delà de 45°, c’est qu’à cette hauteur la réfraction, par sa petitesse, échappait à toutes ses mesures. Les moyens qu’il employa pour déterminer les positions relatives et absolues des étoiles, assurèrent à son nouveau catalogue une immense supériorité sur ceux d’Hipparque et d’Ulugh Beig. Ses tables du Soleil étaient d’une précision si heureuse que jamais, si nous devons l’en croire, il n’y trouva d’erreur qui passât un quart de minute. Mais il est permis d’en douter, d’après un passage décisif de Longomontanus, et quand on voit Cassini, cent ans plus tard, ne pouvoir éviter des erreurs d’une minute. Il ajouta de nouveaux perfectionnemens à la théorie lunaire de Copernic. Il reconnut, dans les longitudes de notre satellite, une équation considérable, qu’il nomma variation, et dans les latitudes, une équation analogue à celle qui est connue sous le nom d’évection ; il en