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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

était. Ensuite à Passy, où je n’avais pas été depuis le 14 novembre dernier, veille de la Saint-Eugène. J’y ai revu Thiers : entrevue aigre-douce. Il a sur le cœur mon opposition à ses désirs. J’étais en train de causer, et cela aura augmenté sa mauvaise humeur. Il ne m’a pas dit de revenir le voir et s’en est allé assez brusquement. Je suis revenu par le jardin jusqu’au pont, avec M. de Valon[1] et Bocher[2]. J’ai reconduit ce dernier en cabriolet jusqu’à la place de la Concorde. Il voit en noir l’avenir de l’Assemblée future. Il croit l’établissement de Napoléon plus solide que ne le pensent ses amis ; il est plus populaire que tous les gouvernants, depuis trente ans. Les idées républicaines ont plus pénétré qu’on ne semble le croire. Je crois aussi que rien de semblable à ce qui a été ne peut être ; tout est changé en France, et tout change encore. Il me faisait remarquer l’aspect terne et négligé de cette foule, bien que ce soit dimanche et qu’il fasse le temps le plus extraordinaire, car tout Paris semble dehors.

Mercredi 14 février. — Dîné chez le président du Corps législatif[3], avec Poinsot, Gay-Lussac, Thiers, Molé, Rayer, Jussieu. Vieillard et Chabrier y étaient. Le premier m’a présenté à Léon Faucher.

  1. Vicomte de Valon, littérateur français, mort en 1851.
  2. Édouard Bocher, administrateur et homme politique que les électeurs du Calvados envoyèrent en 1849 à l’Assemblée législative.
  3. Armand Manast était alors président de l’Assemblée constituante, et Léon Faucher ministre de l’intérieur.