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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

ché[1]  ; le Christ étendu sur une pierre, reçu par les saintes femmes.

Je lis les Souvenirs de la Terreur, de G. Duval[2]. Les frais de mise en scène, les conversations supposées, imaginées, pour donner de la couleur et de la réalité, ôtent toute confiance. La haine systématique contre la révolution se montre trop à découvert. L’historien cependant aurait à profiter dans cette lecture, non pour les petits faits qui y sont rapportés, mais il y verrait, à travers la partialité de l’écrivain, qu’il y a fort à rabattre de l’enthousiasme et de la spontanéité dans les mouvements que l’on admire le plus à cette époque. Ce qu’on y voit des rouages subalternes réduit à la proportion de complots ce qui paraît souvent dans l’histoire l’effet du sentiment national.

22 janvier. — Commencé et avancé beaucoup le pastel représentant le Christ aux Oliviers.

Robert Bruce[3], le soir, avec Mme de Forget.

— Quand j’irai voir le tableau de Rubens, rue Taranne, aller chez Mme Cavé[4].

  1. « Je travaille maintenant à mon petit Christ au jardin des Oliviers, que je fais au pastel et que je prierai Mme Roché d’accepter en souvenir de ses bontés. » (Corresp., t. I, p. 329.) Voir Catalogue Robaut, nos 178 et 999.
  2. Georges Duval, vaudevilliste français et auteur de plusieurs ouvrages sur la Révolution.
  3. Robert Bruce, opéra en trois actes, de Rossini, représenté à l’Opéra pour la première fois le 30 décembre 1846.
  4. Mme Cavé, artiste, née à Paris vers 1810 ; elle étudia l’aquarelle avec Camille Roqueplan, et exposa aux Salons de 1835 et 1886. Elle avait épousé le peintre Clément Boulanger, sous la direction duquel elle aborda la peinture de genre. Veuve en 1842, elle épousa, quelques années après, François Cavé, qui fut chef de la division des Beaux-Arts. En dehors des Salons, elle se fit connaître par une Méthode de dessin sans maître, qui parut en 1853, et qui eut l’honneur de fixer l’attention de Delacroix. Le peintre fit sur cette méthode un rapport qui fut publié par le Moniteur officiel et reproduit par les journaux d’Art. Il écrivait à ce propos en 1861 : « Je suis persuadé que la simplicité de cette méthode porterait la conviction dans tous les esprits, abrégerait beaucoup nos travaux et amènerait une décision plus prompte. » Les écrits de Mme Cavé l’avaient assez frappé pour qu’à plusieurs reprises dans son Journal, on trouve des réflexions sur la technique de la peinture qui lui avaient été suggérées par elle. « Voilà la première méthode de dessin qui enseigne quelque chose » : tel était le début de l’article de Delacroix sur Mme Cavé.