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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.


— Été pour l’affaire du général Jacquinot chez M. Berryer[1].

Le soir, chez Leblond, qui avait passé partie de la journée chez Soulier.

Dimanche 25 janvier. — Aujourd’hui, dîné chez M. Lelièvre. Un diable de colonel, tout plein de ses hauts faits d’Espagne, nous y a ennuyés beaucoup.

En revenant avec Édouard, j’ai eu plus d’idées que dans toute la journée. Ceux qui en ont vous en font naître ; mais ma mémoire s’enfuit tellement de jour en jour que je ne suis plus le maître de rien, ni du passé que j’oublie, ni à peine du présent, ou bien je suis presque toujours tellement occupé d’une chose, que je perds de vue, ou je crains de perdre ce que je devrais faire, ni même de l’avenir, puisque je ne suis jamais assuré de n’avoir pas d’avance disposé de mon temps. Je désire prendre sur moi d’apprendre beaucoup par cœur, pour rappeler quelque chose de ma mémoire. Un homme sans mémoire ne sait sur quoi compter ; tout le trahit. Beaucoup de choses que

  1. Berryer était parent de Delacroix, petit-cousin, croyons-nous. Il est probable que c’est à ce titre que le général Jacquinot avait prié Delacroix de le mettre en relation avec le célèbre avocat. Bien qu’il y eût peu de points communs entre Delacroix et Berryer, lequel n’était nullement artiste, malgré sa curiosité des choses d’art, Delacroix allait souvent à Augerville, et il résulte de sa correspondance qu’il ne s’y déplaisait pas. Ses séjours dans la propriété de Berryer étaient autant de repos pour lui. Dans les dernières années du journal, il se montrera assez sévère pour l’esprit de son illustre parent, auquel il reprochera d’être éminemment superficiel. (V. Souvenus de M. Jaubert. Ce livre contient de très intéressants détails sur Delacroix, Berryer et la société d’Augerville.)