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lequel nous pourrions indubitablement nous évader sans que les Tartares y vissent goutte ; mais il ajouta que son seigneur lui avait dit qu’il ne voulait pas s’enfuir, qu’il aimait mieux combattre. Je lui répondis qu’il se méprenait sur son seigneur qui était un homme trop sage pour vouloir se battre pour le plaisir de se battre ; que son seigneur avait déjà donné des preuves de sa bravoure, et que je le tenais pour brave, mais que son seigneur avait trop de sens pour désirer mettre aux prises dix-sept ou dix-huit hommes avec cinq cents, à moins d’une nécessité inévitable. — « Si vous pensez réellement, ajoutai-je, qu’il nous soit possible de nous échapper cette nuit, noue n’avons rien de mieux à faire. » — « Que mon seigneur m’en donne l’ordre, répliqua-t-il, et ma vie est à vous si je ne l’accomplis pas. » Nous amenâmes bientôt son maître à donner cet ordre, secrètement toutefois, et nous nous préparâmes immédiatement à le mettre à exécution.

Et d’abord, aussitôt qu’il commença à faire sombre, nous allumâmes un feu dans notre petit camp, que nous entretînmes et que nous disposâmes de manière à ce qu’il pût brûler toute la nuit, afin de faire croire aux Tartares que nous étions toujours là ; puis, dès qu’il fit noir, c’est-à-dire dès que nous pûmes voir les étoiles (car notre guide ne voulut pas bouger auparavant), touts nos chevaux et nos chameaux se trouvant prêts et chargés, nous suivîmes notre nouveau guide, qui, je ne tardai pas à m’en appercevoir, se guidait lui-même sur l’étoile polaire, tout le pays ne formant jusqu’au loin qu’une vaste plaine.

Quand nous eûmes marché rudement pendant deux heures, le ciel, non pas qu’il eût été bien sombre jusque-là, commença à s’éclaircir, la lune se leva, et bref il fit plus clair que nous ne l’aurions souhaité. Vers six heures du matin