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pourrait dépasser la Meuse. Il l’avait toujours nié malgré les avertissements de certains militaires, parmi lesquels le général Herment et le colonel Grouard, qui ont écrit tous deux des livres prophétiques. Ils sont restés inutilisés pendant la guerre, parce qu’ils avaient vu clair. L’Etat-major avait dédaigné, bien entendu, les avertissements que Jaurès avait donnés, lui aussi en ces termes :

« Notre frontière de l’Est est défendue depuis le Jura jusqu’à Verdun, mais la frontière belge est ouverte. Or, les Allemands ne cachent pas leur intention de nous assaillir à la fois par Nancy et par Namur, et notre haut commandement n’a prévu, sur le front nord-est, aucune forteresse. Il consacre à l’édification de casernes les millions qui pourraient servir à la construction de quelques forts d’arrêt. »

Il avait dédaigné également les avis de civils comme Maxime Lecomte, sénateur du Nord, qui publiait en 1913 un livre intitulé : Neutralité belge et invasion allemande. Il avait dédaigné les avis des Allemands eux-mêmes qui ne cachaient en rien leurs intentions. Il suffit pour s’en rendre compte de lire le livre classique du général Von Bernhardi : La Guerre d’aujourd’hui, dont la traduction française a paru en 1913 et que connaissait bien notre Etat-major. Bernhardi y annonce froidement que l’Allemagne, en cas de guerre, violera la Belgique tout entière et que ses armées suivront le littoral de la mer dû Nord.

Tout cela, l’Etat-major français avait refusé de le voir. Au contraire, tous ceux de ses théoriciens qui ont écrit sur le sujet ont nié, de la façon la plus catégorique, en des textes qu’il est facile de retrouver, que la Belgique dût être envahie au delà de la Meuse.