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Ce sont ces formules de folie qu’on lit presque textuellement dans le nouveau règlement de 1913 :

« La progression de l’attaque n’a qu’un but : amener la chaîne de tirailleurs à distance d’assaut. C’est avec la baïonnette que l’infanterie brise la dernière résistance de l’ennemi. L’assaut, c’est-à-dire l’abordage à l’arme blanche, peut seul dénouer la crise. »

La baïonnette était érigée en reine des batailles. Il s’ensuivait naturellement que les fortifications ne comptaient plus ; cinq lignes seulement les concernent dans le règlement de 1913 ! Quant à la mitrailleuse, qui devait dominer toute la guerre, son nom n’est même pas prononcé une fois dans les règlements. Evidemment, l’existence de la mitrailleuse condamnait à elle seule les principes de l’offensive à tout prix. On l’ignorait donc systématiquement. Quelques lignes dédaigneuses sur l’aviation. Sur la mitrailleuse, rien.

En ce qui concerne l’armement de l’armée française en 1914, voici quelques chiffres extraits d’un livre fort intéressant du général Gascouin sur L’Evolution de l’Artillerie pendant la Guerre :

Nous avions 4.000 canons de 75 ; les Allemands 5.000 canons de 77. En fait d’artillerie lourde, nous avions en tout 300 canons lourds, alors que les Allemands possédaient 1.500 obusiers légers de 105 et 2.000 obusiers lourds. L’approvisionnement de nos pièces était ridicule : Chaque canon de 75 était approvisionné à 1.500 coups. La fabrication des obus ne devait commencer, d’après les prévisions, que le trentième jour de la mobilisation et se montait à 10.000 coups par jour, ce qui donnait, pour plus de 4.000 canons, deux coups un quart par pièce, alors que,