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CORINNE OU L’ITALIE.

— Cher Oswald, dit Corinne, quittons ce désert, redescendons vers les vivans ; mon ame est ici mal à l’aise. Toutes les autres montagnes, en nous rapprochant du ciel, semblent nous élever au-dessus de la vie terrestre ; mais ici je ne sens que du trouble et de l’effroi : il me semble voir la nature traitée comme un criminel, et condamnée, comme un être dépravé, à ne plus sentir le souffle bienfaisant de son créateur. Ce n’est sûrement pas ici le séjour des bons, allons-nous-en. —

Une pluie abondante tombait pendant que Corinne et lord Nelvil redescendaient vers la plaine. Leurs flambeaux étaient à chaque instant prêts à s’éteindre. Les Lazzaroni les accompagnaient en poussant des cris continuels qui pourraient inspirer de la terreur à qui ne saurait pas que c’est leur façon d’être habituelle. Mais ces hommes sont quelquefois agités par un superflu de vie dont ils ne savent que faire, parce qu’ils réunissent au même degré la paresse et la violence. Leur physionomie plus marquée que leur caractère semble indiquer un genre de vivacité dans lequel l’esprit et le cœur n’entrent pour rien. Oswald inquiet que la pluie ne fit du mal à Corinne, que la lumière ne leur manquât, enfin qu’elle ne fût exposée à quel-