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CORINNE OU L’ITALIE.

grande faiblesse ; tant d’intérêts divers, avec une prévoyance limitée, une capacité si restreinte ; enfin tant de choses inconnues et une si courte vie : toutes ces circonstances, toutes ces conditions de notre nature, ne sont-elles pas pour nous un avertissement du haut rang que nous devons accorder à l’indulgence dans l’ordre des vertus sociales ? …… Hélas ! où est-il l’homme qui soit exempt de faiblesses ? Où est-il l’homme qui n’ait aucun reproche à se faire ? Où est-il l’homme qui puisse regarder en arrière de sa vie sans éprouver un seul remords ou sans connaître aucun regret ? Celui-là seul est étranger aux agitations d’une ame timorée, qui ne s’est jamais examiné lui-même, qui n’a jamais séjourné dans la solitude de sa conscience. »[1]

Voilà, reprit Corinne, les paroles que votre père vous adresse du haut du ciel, voilà celles qui sont pour vous. — Cela est vrai, dit Oswald ; oui, Corinne, vous êtes l’ange des consolations, vous me faites du bien, mais si j’avais pu le voir un moment avant sa mort, s’il avait su de moi que je n’étais pas indigne de lui, s’il m’avait dit qu’il le croyait, je ne serais pas agité par les remords comme le plus criminel des hommes ; je n’aurais pas cette conduite vacillante, cette

  1. Discours sur l’Indulgence dans le Cours de Morale religieuse. Voyez la note du premier volume.