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CORINNE OU L’ITALIE.

dont ils ont été seuls maîtres et qui ne ce reviendra plus ; ne fût-ce que pour ces années à jamais perdues, et dont ils portent sur le front l’auguste empreinte.

Voilà votre devoir, enfans présomptueux, et qui paraissez impatiens de courir seuls dans la route de la vie. Ils s’en iront, vous n’en pouvez douter, ces parens qui tardent à vous faire place ; ce père dont les discours ont encore une teinte de sévérité qui vous blesse ; cette mère dont le vieil âge vous impose des soins qui vous importunent : ils s’en iront, ces surveillans attentifs de votre enfance, et ces protecteurs animés de votre jeunesse ; ils s’en iront, et vous chercherez en vain de meilleurs amis ; ils s’en iront, et dès qu’ils ne seront plus, ils se présenteront à vous sous un nouvel aspect ; car le temps, qui vieillit les gens présens à notre vue, les rajeunit pour nous quand la mort les a fait disparaître ; le temps leur prête alors un éclat qui nous était inconnu : nous les voyons dans le tableau de l’éternité où il n’y a plus d’âge, comme il n’y a plus de graduation ; et s’ils avaient laissé sur la terre un souvenir de leur vertu, nous les ornerions en imagination d’un rayon céleste, nous les suivrions de nos regards dans le