Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
CORINNE OU L’ITALIE.

sa vie. Corinne, chère amie, pourquoi ces mots vous troublent-ils ? Mon père a pu me demander le sacrifice d’une femme dissimulée, qui ne devait qu’à son adresse le goût qu’elle m’inspirait ; mais la personne la plus vraie, la plus naturelle et la plus généreuse, celle pour qui j’ai senti le premier amour, celui qui purifie l’ame au lieu de l’égarer, pourquoi les êtres célestes voudraient-ils me séparer d’elle ?

Lorsque j’entrai dans la chambre de mon père, je vis son manteau, son fauteuil, son épée, qui étaient encore là comme autrefois ; encore là : mais sa place était vide, et mes cris l’appelaient en vain ! Ce manuscrit, ce recueil de ses pensées est tout ce qui me répond ; vous en connaissez déjà quelques morceaux, dit Oswald en le donnant à Corinne ; je le porte toujours avec moi ; lisez ce qu’il écrivait sur le devoir des enfans envers leurs parens ; lisez, Corinne ; votre douce voix me familiarisera peut-être avec ces paroles. Corinne obéit à la volonté d’Oswald et lut ce qui suit :

« Ah ! qu’il faut peu de chose pour rendre défians d’eux-mêmes un père, une mère avancés dans la vie ; ils croient aisément qu’ils sont de trop sur la terre. À quoi se croiraient-ils bons pour vous, qui ne leur demandez