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CORINNE OU L’ITALIE.

des chagrins de madame d’Arbigny. Elle pleurera, parce qu’elle vous aime ; mais elle se consolera, parce que c’est une femme assez raisonnable pour ne pas vouloir être malheureuse, et surtout passer pour l’être. Dans trois mois elle sera madame de Maltigues. — Tout ce qu’il me disait était vrai ; les lettres qu’il me montra le prouvèrent. Je restai convaincu que madame d’Arbigny n’était point dans l’état qu’elle avait feint de m’avouer en rougissant pour me contraindre à l’épouser, et qu’elle m’avait à cet égard indignement trompé. Sans doute elle m’aimait, puisqu’elle le disait dans ses lettres à M. de Maltigues lui-même ; mais elle le flattait avec tant d’art, mais elle lui laissait tant d’espérance et montrait pour lui plaire un caractère si différent de celui qu’elle m’avait toujours fait voir, qu’il me fut impossible de douter qu’elle ne le ménageât, dans l’intention de l’épouser si notre mariage n’avait pas lieu. Telle était la femme, Corinne, qui m’a coûté pour toujours le repos du cœur et de la conscience !

Je lui écrivis en partant, et je ne la revis plus : et comme M. de Maltigues l’avait prédit, j’ai su depuis qu’elle l’avait épousé. Mais j’étais loin d’envisager alors le malheur qui m’attendait ;