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CORINNE OU L’ITALIE.

chante pour les morts. Les vivans, quand ils sont dans la prospérité, ne sont pas du tout curieux d’obtenir ce genre d’hommage. —

Je fus tellement irrité de ce discours, que je ne pus m’empêcher de dire avec hauteur : — Je serais fâché, Monsieur, si j’avais des droits sur la maison de madame d’Arbigny, qu’elle reçut chez elle un homme qui se permet une telle manière de penser et de s’exprimer. — vous pouvez à cet égard, répondit M. de Maltigues, quand il en sera temps, décider ce qui vous plaira ; mais si ma cousine m’en croit, elle n’épousera point un homme qui se montre si malheureux de la possibilité de cette union ; depuis long-temps, elle peut vous le dire, je lui reproche sa faiblesse et tous les moyens qu’elle emploie pour un but qui n’en vaut pas la peine. — À ce mot, que l’accent rendait encore plus insultant, je fis signe à M. de Maltigues de sortir avec moi, et pendant le chemin je dois dire qu’il continuait à développer son système avec le plus grand sang-froid du monde ; et pouvant mourir dans peu d’instans, il ne disait pas un mot qui fût ni religieux ni sensible. — Si j’avais donné dans toutes vos fadaises, à vous autres jeunes gens, me disait-il, pensez-vous que ce qui se passe dans mon pays ne m’en aurait pas