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CORINNE OU L’ITALIE.

secret, et que l’homme froid ne savait pas se taire.

Tel qu’il était, ce M. de Maltigues, il avait un ascendant singulier sur madame d’Arbigny, il la devinait ou bien elle lui confiait tout ; cette femme habituellement dissimulée avait peut-être besoin de faire de temps en temps une imprudence comme pour respirer ; au moins est-il certain que, quand M. de Maltigues la regardait durement, elle se troublait toujours ; s’il avait l’air mécontent, elle se levait pour le prendre à part ; s’il sortait avec humeur, elle s’enfermait presqu’à l’instant pour lui écrire. Je m’expliquais cette puissance de M. de Maltigues sur madame d’Arbigny, parce qu’il la connaissait dès son enfance, et dirigeait ses affaires depuis qu’elle n’avait pas de plus proche parent que lui ; mais le principal motif des ménagemens de madame d’Arbigny pour M. de Maltigues, c’était le projet qu’elle avait formé, et que j’appris trop tard, de l’épouser si je la quittais, car elle ne voulait à aucun prix passer pour une femme abandonnée. Une telle résolution devrait faire croire qu’elle ne m’aimait pas, et cependant elle n’avait pour me préférer aucune raison que le sentiment. Mais elle avait mêlé toute sa vie le calcul à l’entraînement, et les prétentions factices de