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CORINNE OU L’ITALIE.

elle avait tort dans les moyens qu’elle prenait et pour ne pas partir, et pour me retenir malgré les devoirs qui me rappelaient en Angleterre.

Quand la guerre fut déclarée entre les deux pays, mon désir de quitter la France devint plus vif, et les obstacles que madame d’Arbigny y opposait se multiplièrent. Tantôt elle ne pouvait obtenir un passe-port ; tantôt, si je voulais partir seul, elle m’assurait qu’elle serait compromise en restant en France après mon départ, parce qu’on la soupçonnerait d’être en correspondance avec moi. Cette femme si douce, si mesurée, se livrait par moment à des accès de désespoir qui bouleversaient entièrement mon ame. Elle employait les attraits de sa figure et les grâces de son esprit pour me plaire, et sa douleur pour m’intimider. Peut-être les femmes ont elles tort de commander au nom des larmes, et d’asservir ainsi la force à leur faiblesse. Mais quand elles ne craignent pas d’employer ce moyen, il réussit presque toujours, au moins pour un temps. Sans doute le sentiment s’affaiblit par l’empire même que l’on usurpe sur lui, et la puissance des pleurs trop souvent exercée refroidit l’imagination. Mais il y avait en France dans ce