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CORINNE OU L’ITALIE.

une promptitude et un sang-froid remarquables, qu’il arrivait à l’instant même de Paris pour apporter à madame d’Arbigny la nouvelle du retour du banquier qu’elle croyait parti pour l’Angleterre, et dont elle n’avait pas entendu parler depuis un mois. Madame d’Arbigny confirma ce qu’il disait, et je la crus, mais en me rappelant qu’elle a constamment trouvé des prétextes pour ne pas me montrer le prétendu billet de son frère dont elle me parlait dans sa lettre, j’ai compris depuis qu’elle s’était servi d’une ruse pour m’inquiéter sur sa fortune.

Au moins est-il vrai qu’elle était riche, et que dans son désir de m’épouser il ne se mêlait aucun motif intéressé ; mais le grand tort de madame d’Arbigny était de faire une entreprise du sentiment, de mettre de l’adresse là où il suffisait d’aimer, et de dissimuler sans cesse quand il eût mieux valu montrer tout simplement ce qu’elle éprouvait. Car elle m’aimait alors autant qu’on peut aimer quand on combine ce qu’on fait, presque ce que l’on pense, et que l’on conduit les relations du cœur comme des intrigues politiques.

La tristesse de madame d’Arbigny ajoutait encore à ses charmes extérieurs, et lui donnait une expression touchante qui me plaisait extrê-