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CORINNE OU L’ITALIE.

C’est avec douceur que je m’y soumets. Oh vous qui me survivrez ! quand le printemps reviendra, souvenez-vous combien j’aimais sa beauté, que de fois j’ai vanté son air et ses parfums ! Rappelez-vous quelquefois mes vers, mon ame y est empreinte ; mais des muses fatales, l’amour et le malheur, ont inspiré mes derniers chants.

Quand les desseins de la Providence sont accomplis sur nous, une musique intérieure nous prépare à l’arrivée de l’ange de la mort. Il n’a rien d’effrayant, rien de terrible ; il porte des ailes blanches, bien qu’il marche entouré de la nuit ; mais avant sa venue, mille présages l’annoncent.

Si le vent murmure, on croit entendre sa voix. Quand le jour tombe, il y a de grandes ombres dans la campagne qui semblent les replis de sa robe traînante. À midi, quand les possesseurs de la vie ne voient qu’un ciel serein, ne sentent qu’un beau soleil, celui que l’Ange de la mort réclame aperçoit dans le lointain un nuage qui va bientôt couvrir la nature entière à ses yeux.

Espérance, jeunesse, émotions du cœur, c’en est donc fait. Loin de moi des regrets trompeurs : si j’obtiens encore quelques lar-