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CORINNE OU L’ITALIE.

les leçons de Corinne faisaient faire à cette enfant. Tout ce qu’elle avait renfermé dans son cœur depuis si long-temps s’était échappé dans ce moment ; et, comme il arrive aux personnes qui sortent de leur caractère, elle prit tout à coup une résolution très-vive, et partit pour aller voir Corinne, et lui demander si elle était résolue à la troubler toujours dans son sentiment pour son époux. Lucile se parlait à elle-même avec force, jusqu’au moment où elle arriva devant la porte de Corinne. Mais il lui prit alors un tel mouvement de timidité, qu’elle n’aurait jamais pu se résoudre à entrer, si Corinne, qui l’aperçut de sa fenêtre, ne lui avait envoyé Thérésine pour la prier de venir chez elle. Lucile monta dans la chambre de Corinne, et toute son irritation contre elle disparut en la voyant ; elle se sentit au contraire profondément attendrie par l’état déplorable de la santé de sa sœur, et ce fut en pleurant qu’elle l’embrassa.

Alors commença entre les deux sœurs un entretien plein de franchise de part et d’autre. Corinne donna la première l’exemple de cette franchise ; mais il eût été impossible à Lucile de ne pas le suivre. Corinne exerça sur sa sœur l’ascendant qu’elle avait sur tout le monde. On ne pouvait conserver avec elle ni dissimulation