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CORINNE OU L’ITALIE.

avez été choisi pour déraciner ma vie de la terre : j’y tenais par un lien trop fort.

Quand j’ai appris votre arrivée en Italie, quand j’ai revu votre écriture, quand je vous ai su là de l’autre côté de la rivière, j’ai senti dans mon ame un tumulte effrayant. Il fallait me rappeler sans cesse que ma sœur était votre femme, pour combattre ce que j’éprouvais. Je ne vous le cache point, vous revoir me semblait un bonheur, une émotion indéfinissable que mon cœur enivré de nouveau préférait à des siècles de calme ; mais la Providence ne m’a point abandonnée dans ce péril. N’êtes-vous pas l’époux d’une autre ? Que pouvais-je donc avoir à vous dire ? M’était-il même permis de mourir entre vos bras ? et que me restait-il pour ma conscience, si je ne faisais aucun sacrifice, si je voulais encore un dernier jour, une dernière heure ? Maintenant je comparaîtrai devant Dieu peut-être avec plus de confiance, puisque j’ai su renoncer à vous voir. Cette grande résolution apaisera mon ame. Le bonheur, tel que je l’ai senti quand vous m’aimiez, n’est pas en harmonie avec notre nature : il agite, il inquiète, il est si prêt à passer ! Mais une prière habituelle, une rêverie religieuse qui a pour but