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CORINNE OU L’ITALIE.

nul pour les premières classes que pour les dernières ; dans un pays où la religion est plus occupée du culte que de la morale, il y a peu de bien à dire de la nation considérée d’une manière générale, mais on y rencontre beaucoup de qualités privées. C’est donc le hasard des relations individuelles qui inspire aux voyageurs la satire ou la louange ; les personnes que l’on connaît particulièrement décident du jugement qu’on porte sur la nation, jugement qui ne peut trouver de base fixe, ni dans les institutions, ni dans les mœurs, ni dans l’esprit public.

Oswald et Lucile allèrent voir ensemble les belles collections de tableaux qui sont à Bologne. Oswald, en les parcourant, s’arrêta long-temps devant la Sibylle peinte par Le Dominiquin. Lucile remarqua l’intérêt qu’excitait en lui ce tableau, et voyant qu’il s’oubliait long-temps à le contempler, elle osa s’approcher enfin, et lui demanda timidement si la Sibylle du Dominiquin parlait plus à son cœur, que la Madone du Corrège. Oswald comprit Lucile, et fut étonné de tout ce que ce mot signifiait ; il la regarda quelque temps sans lui répondre, et puis il lui dit : — La Sibylle ne rend plus d’oracles ; son génie, son talent, tout