Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
454
CORINNE OU L’ITALIE.

dre. — Ce mot blessa lord Nelvil. — Bien loin de là, dit-il, il me semble qu’un tel contraste fait sentir la puissance du génie. C’est ce même langage si misérablement dégradé qui devenait une poésie céleste, lorsque Corinne, lorsque votre sœur, reprit-il avec affectation, s’en servait pour exprimer ses pensées. — Lucile fut comme altérée par ces paroles : le nom de Corinne ne lui avait pas encore été prononcé par Oswald pendant tout le voyage, encore moins celui de votre sœur qui semblait indiquer un reproche. Les larmes étaient prêtes à la suffoquer, et si elle se fût abandonnée à cette émotion, peut-être ce moment eût-il été le plus doux de sa vie ; mais elle se contint, et la gêne qui existait entre les deux époux n’en devint que plus pénible.

Le lendemain le soleil parut, et, malgré les mauvais jours qui avaient précédé, il se montra brillant et radieux comme un exilé qui rentre dans sa patrie. Lucile et lord Nelvil en profitèrent pour aller voir la cathédrale de Milan ; c’est le chef-d’œuvre de l’architecture gothique en Italie, comme St.-Pierre de l’architecture moderne. Cette église, bâtie en forme de croix, est une belle image de douleur qui s’élève au-dessus de la riche et joyeuse ville de Milan. En montant jusques au haut du clocher,