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CORINNE OU L’ITALIE.

secourez-nous ! Alors Lucile reprit tout son courage, et se soulevant sur le brancard, elle tendit Juliette à lord Nelvil, en lui disant : — Mon ami, prenez votre fille. — Oswald la saisit et dit à Lucile : — Et vous aussi venez, je pourrai vous porter toutes deux. — Non, répondit Lucile, sauvez seulement votre fille. — Comment sauver, répéta lord Nelvil, est-il question de danger ? et se retournant vers les porteurs il s’écria : Malheureux, que ne disiez-vous… — Ils m’en avaient avertie, interrompit Lucile… — Et vous me l’avez caché, dit lord Nelvil, qu’ai-je fait pour mériter ce cruel silence ? — En prononçant ces mots, il enveloppa sa fille dans son manteau, et baissa les yeux vers la terre dans une anxiété profonde, mais le ciel, protecteur de Lucile, fit paraître un rayon qui perça les nuages, apaisa la tempête, et découvrit aux regards les fertiles plaines du Piémont. Dans une heure toute la caravane arriva sans accident à la Novalaise, la première ville de l’Italie par-delà le Mont-Cenis.

En entrant dans l’auberge, Lucile prit sa fille dans ses bras, monta dans une chambre, se mit à genoux, et remercia Dieu avec ferveur. — Oswald, pendant qu’elle priait, était appuyé sur la cheminée, d’un air pensif, et quand Lucile